La presse s’est dernièrement faite l’écho d’une dépêche AFP qui
relatait l’action entreprise, devant les prud’hommes de Bobigny, par un
intérimaire qui dit avoir travaillé pendant 30 ans pour l’entreprise
Placoplatre,
en cumulant plus de 700 contrats Manpower.
L’intérimaire, qui outre Manpower a également assigné
le groupe Placoplatre, demande la requalification de ses missions d’intérim en contrat à durée indéterminée.
L’intérêt
de la presse ne dépassant pas le simple duplicata de la dépêche AFP,
reprise partout, nous allons tenter ici de l’analyser à la lueur de
notre flamme syndicaliste révolutionnaire.
Les faits tels qu’ils nous sont relatés.
Manutentionnaire, puis cariste, ce travailleur d’origine Malienne, de
55 ans aujourd’hui, a réalisé 703 missions de travail temporaire (de 2
jours à plusieurs mois), toujours au profit de Placoplatre, et sur le
site de production du groupe de matériaux de construction en
Seine-Saint-Denis
[1].
Il en a été chassé fin 2013, pour avoir demandé un contrat stable permettant le regroupement familial.
Placoplatre aurait rejeté sa demande, en raison d’une « maîtrise limitée de la langue française ».
Un syndicalisme d’accompagnement.
Un an après son licenciement on retrouve donc ce salarié devant les prud’hommes.
On
suppose que pendant plus d’un an ½, son dossier a accumulé la
poussière, errant entre différentes permanences associatives et
syndicales, allant de rendez-vous reportés à des interlocuteurs peu
intéressés.
On peut s’étonner cependant du peu de réactivité des
sections syndicales de la société d’intérim comme de l’entreprise
utilisatrice. Qu’on donc fait pendant 30 ans les délégués syndicaux de
ces entreprises pour un collègue dans une telle situation de précarité ?
Il
semble que ce soit FO qui cornaque et fasse mousser l’affaire, avec un
délégué syndical central de Manpower (Régis Verbeke) qui plastronne
devant la presse, sans mettre plus en question la responsabilité de sa
propre organisation.
Loin de plaider lui-même devant le Conseil
des prud’hommes, on constate dans la suite de l’article l’intervention
d’un avocat (Harold Lafond). Sur une affaire, somme toute assez simple à
plaider, et compte tenu de la maîtrise supposée du sujet par un
syndicaliste de l’entreprise Manpower, on s’étonne qu’il faille encore
que le salarié mette la main à sa poche pour régler un Bavard.
Selon
ce même syndicaliste, plusieurs autres intérimaires sont dans des
situations comparables mais craignent s’ils saisissent la justice de
perdre leur emploi.
Après un tel constat on a deux solutions :
retourner se coucher, ou remonter ses manches pour reconstruire une
véritable conscience de classe établie sur un réel rapport de force.
Il semble bien, ici encore, que le syndicalisme institutionnel soit atteint de l’apnée du sommeil.
Pour un syndicalisme d’action directe
Sans
préjuger de ce qu’en pense le salarié, la dépêche AFP, toute empreinte
d’humanisme, nous en dresse, à partir des propos du syndicaliste FO, un
portrait post-colonialiste :
« C’était un
bon soldat » (...) « Des années, il est resté sans vacances » (...)
« il avait simplement demandé à être en CDI » (...) « c’est le genre de
personnes qui endurent et ne se plaignent pas »
Si
notre syndicat a pour vocation de défendre les intérêts immédiats des
travailleurs de notre industrie, cela ne s’entend pas sans
l’apprentissage d’une autonomie prolétarienne qui rompt avec les
postures victimaires.
Mettre le syndicalisme devant ses
responsabilités passe nécessairement par interroger les salariés sur
leurs conditions d’exploitation et la tendance que peuvent entretenir
certains (nombreux) à la collaboration de classe.
La dignité s’acquiert par la responsabilité des actes qu’on produit.
Quelques
soient les difficultés (et elles sont nombreuses) à sortir de sa
« condition d’exploitation », le chemin de l’indépendance et de
l’autonomie passe par un apprentissage continu (professionnel, syndical,
social, et personnel), qui nécessite une prise en charge individuelle
au sein du collectif syndical.
- Ce n’est pas au
bout de 30 ans qu’on réclame un CDI, car sinon au delà de sa propre
exploitation on fait perdurer un système général
- On ne peut
rester 30 ans dans un pays sans en connaître la langue (écrite et
parlée), car sinon on se condamne à subir une domination dont on ne
comprend pas les codes.
- On ne reste pas isolé face à
l’exploitation capitaliste, car la défense de ses propres intérêts passe
par la construction d’un rapport de force qui nécessite la
mutualisation des moyens de la lutte.
Pour tout cela le
syndicat du bâtiment de la CNT-f en Ile-de-France propose de nombreux
outils (sections syndicales d’entreprises, bureau de placement,
permanence juridique, cours d’alphabétisation, commission logement,
formation professionnelle et syndicale, …)
Au syndicat, même victime d’injustices, on est un travailleur qui se bat pour sa dignité !
Point de droit
Selon le Code du travail, le contrat d’intérim, «
quel
que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de
pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de
l’entreprise utilisatrice ».
Nous invitons tous les
travailleurs intérimaires d’Ile-de-France à venir visiter notre
permanence syndicale afin de construire les armes de leur libération.
[1] L’usine placoplatre de Vaujour (93) est le premier centre mondial plâtrier employant 400 salariés et 3000 sous-traitants.
Source :
Syndicat Unifié
du Bâtiment, des travaux publics, du bois, de l'ameublement et des
matériaux de constructions (Région Parisienne)