Dans le contexte de crise où l'emploi manque cruellement, le
gouvernement laisse stagner le Smic et dériver à la baisse les minima
sociaux. Selon l'Observatoire Français des Conjonctures Economiques :
«Depuis Jospin - premier ministre de juin 1997 à mai 2002 - la grande
idée, c’est d’inciter à travailler, donc creuser l’écart entre le RMI
(Revenu Minimum d'Insertion), puis le RSA (Revenu de Solidarité
Active), et le Smic. ». En effet, pour Jospin : « Le travail est, dans
notre société, pour nous, au cœur du lien social. Nous ne voulons pas
une société d'assistance, mais une société fondée sur le travail et
l'activité productrice. »
Le cap dans cette direction
avait été donné par le gouvernement Rocard en faisant promulguer par
Chirac la loi créant le RMI (Revenu Minimum d'Insertion) le 1 décembre
1988. L'article 1er de cette loi précisait pourtant : « Toute personne
qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la
situation de l'économie et de l'emploi, se trouve dans l'incapacité de
travailler, a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens
convenables d'existence. »
Les événements s'accélèrent
lors de l'université d'été du MEDEF (Mouvement des entreprises de
France) en 2003. Ernest-Antoine Sellière, patron des patrons, et
Jean-Pierre Raffarin, premier ministre, s'expriment devant la caméra de
Pierre Carles, Christophe Coello et Stéphane Goxe dans le documentaire
« Attention danger travail ! ». Suite à cette université d'été,
apparaît un dispositif de travail gratuit inconnu du Code du Travail,
l'Evaluation en Milieu de Travail (EMT). L’ANPE envoie des chômeurs
bosser gratos pour un employeur qui lui sera indemnisé (jusqu'à 2 euros
de l'heure), sans garantie d’embauche par la suite. Une pré-période
d’essai d'une durée maximum de 80 heures pendant laquelle l’employé
n’est pas payé, ça vaut le coup !
Le deuxième
gouvernement Raffarin en rajoute une couche en faisant promulguer la
loi créant le CI-RMA (Contrat d'Insertion - Revenu Minimum d'Activité)
le 18 décembre 2003. L'article 43 de cette loi précise : « Il est
institué un contrat de travail dénommé contrat insertion-revenu minimum
d'activité destiné à faciliter l'insertion sociale et professionnelle
des personnes bénéficiaires de l'allocation de revenu minimum
d'insertion rencontrant des difficultés particulières d'accès à
l'emploi. » Le CI-RMA, c’est l’emploi obligatoire et précaire.
Obligatoire parce que l’allocataire du RMI est menacé, en cas de refus,
de perdre ses moyens de survie par radiation. Précaire parce que c’est
un CDD de 6 mois renouvelable 2 fois d’au moins 20 heures de travail
hebdomadaire payé au minimum au SMIC horaire et sans droit à la prime
de précarité. Dans ce contrat, le/la RMAste est appelé curieusement "
bénéficiaire " alors que le bénéficiaire est bien l’employeur :
celui-ci perçoit l’allocation de son/sa salariéE, qu’il complète pour
atteindre au minimum le SMIC horaire. Bien entendu, il est aussi
exonéré des cotisations sociales patronales. UnE salariéE à un peu plus
d’un euro de l’heure ! Encore un effort, et nous arrivons au salaire
indonésien ...
Le Plan de cohésion sociale présenté par Borloo à
l'automne 2004 généralise ce contrat de travail à d'autres minima
sociaux comme l’ASS (allocation de solidarité spécifique) ou l’API
(Allocation de Parent Isolé).
Le gouvernement
deuxième Fillon fait promulguer la loi créant le RSA (Revenu de
Solidarité Active) le 21 août 2007 (Loi en faveur du travail, de
l'emploi et du pouvoir d'achat). Il s'agit de « favoriser le retour à
l'emploi des bénéficiaires du RMI (Revenu Minimum d'Insertion) et de
l'API (Allocation de Parent Isolé) en leur assurant l'augmentation de
leurs ressources via un revenu garanti. » La mise en œuvre de ce
dispositif à titre expérimental dans des départements volontaires ne
suscite pas l'enthousiasme des conseils généraux. Le bilan de ces
expérimentations sur quelques milliers d'allocataires fait ressortir
que dans de très nombreux cas, le RSA est défavorable par rapport à
l’ancien mode de calcul et d’attribution d’un complément de salaire. De
plus, la complexité de la réforme engorge les caisses d'allocations
familiales, ce qui les oblige à fermer régulièrement leurs guichets aux
allocataires pour traiter des dossiers en retard de plusieurs mois.
Malgré
ce bilan, ce même gouvernement Fillon fait promulguer la loi
généralisant le RSA (Revenu de Solidarité Active) le 1er décembre 2008.
Pour les plus anciens, ça rappelle les Shadoks de Jacques Rouxel : « Ce
n'est qu'en essayant continuellement que l'on finit par réussir....En
d'autres termes... Plus ça rate et plus on a de chances que ça marche..
» Cette loi entre en vigueur le 1 juin 2009. L'allocataire du revenu de
solidarité active disponible pour rechercher un emploi est orienté de
manière prioritaire vers l'institution issue de la fusion ANPE UNEDIC
(Pôle emploi). Cette loi crée la nécessité d'une recherche active
d'emploi parmi les engagements de l'allocataire du RSA. Elle crée
également un comité national d'évaluation du RSA, qui s'est réuni 3 ans
après sa promulgation, le 15 décembre 2011. Ses conclusions : « Il n'y
a pas d'amélioration significative par rapport au RMI, analyse François
Bourguignon, directeur de l'Ecole d'économie de Paris, qui préside le
comité national d'évaluation du RSA. Et lorsque les bénéficiaires du
RSA activité ont un emploi, il s'agit surtout de travail temporaire, de
temps partiels ou de CDD. »
Entre temps, un nouvel
étage de la fusée Shadoks est mis en orbite. Le 8 mai 2011, le ministre
chargé des affaires européennes, Laurent Wauquiez, propose de
conditionner le versement du RSA à cinq heures de travail gratuit
hebdomadaire. Le 15 novembre 2011, Nicolas Sarkozy annonce la mise en
place d'une expérimentation visant à conditionner le versement du RSA à
sept heures de travail par semaine en début d'année 2012. Payées, cette
fois. "C'est plus subtil, note ironiquement Martin Hirsch, créateur du
RSA, mais c'est de l'affichage, car le vrai problème est qu'il n'y a
pas de travail." Concrètement, il s'agit d'un nouveau type de contrat
unique d'insertion (CUI), de 7 heures par semaine. Les bénéficiaires
seront payés au Smic, soit 214 euros mensuels. Compte tenu de la baisse
de son RSA socle, l'allocataire y gagnera environ 130 euros par mois.
La durée de ces contrats variera de six à douze mois. Les allocataires
du RSA auxquels les travailleurs sociaux proposeront ces nouveaux
contrats devront les accepter, au risque de se voir infliger des
sanctions financières par le Conseil général. En cas de refus, la
sanction pourra atteindre 100 euros. Un premier bilan d'expérimentation
devrait être publié fin 2012.
Comme l'explique si bien
Fred Alpi, le but de ces politiques est : « surveiller et punir ». Pour
résister, nous devons nous regrouper. Qu’est ce qu’on y gagne ?
Beaucoup de bons moments et du contrôle social en moins, parce qu’un
précaire qui ramène vingt accompagnateurs quand son conseiller à
l'emploi ou son travailleur social le fait chier a de grandes chances
qu’on lui foute la paix quelque temps, même en cette période de
pressions accrues.
"Le travail rend libre" disait-on.
Eh bien non ! Le GIGN (Groupe d'Intervention Gaillardement Nuisible)
déclarait lors des mouvements de chômeurs en février 1998 : « On
reconnaît le niveau de liberté d'un individu non à sa capacité à
travailler servilement, afin de consommer servilement, mais à son degré
d'épanouissement dans les activités et les loisirs qu'il aura définis
librement et en toute conscience.
Laissons tomber le partage du travail,
et vive le partage des bons moments !
Pour une révolution ludique et choisie ! »