La précarité est redevenue un mode de
gestion de l'emploi. Comme au 19ème siècle, il s'agit pour l'état et les
patrons de rendre les salarié-e-s flexibles, fragiles, de les isoler. Ce
sont les conditions d'emploi et de travail de tous les individus qui sont
attaquées. Parmi les précaires, les femmes sont les plus touchées, parce
qu'elles sont encore victimes d'inégalités salariales persistantes :
- 82 % des salariés à temps partiel sont
des femmes ; 34 % des femmes déclarent travailler à temps partiel pour pouvoir
s’occuper de leurs enfants ou d’un autre membre de la famille, contre 7 % des
hommes (1).
- 73 % des personnes en sous-emploi au sens
du Bureau International du Travail sont des femmes (2).
- la rémunération annuelle brute totale
moyenne des femmes est inférieure de 27 % à celle des hommes. A poste égal, cet
écart est d'environ 10 % ; il a cessé de se résorber depuis le milieu des
années 1990 (3).
- les femmes qui partent à la retraite
touchent une pension de droit direct inférieure de 42% à celle des hommes (4).
- 86
% des hommes ont une retraite complète pour seulement 41 % des femmes car moins
d'une femme sur deux réussit à valider le nombre de trimestres nécessaires pour
toucher une pension complète (4).
Sur-précarité des femmes : entre sexisme
et capitalisme
Plusieurs raisons expliquent qu'il y ait
plus de femmes que d'hommes précaires.
L'emploi des femmes est concentré
principalement dans le secteur tertiaire, c'est-à-dire les emplois de service,
d'aide à la personne, de travail ménager, etc... L'organisation du travail dans
ce secteur est faite de telle façon que la flexibilité s'y est installée à
grand pas : être disponible, au service de... ou, en ce qui concerne les
emplois “d'agent d'entretien”, être invisible, ne pas déranger les
autres salarié-e-s, donc travailler sur des plages horaires décalées. Ce
secteur regroupe 92 % des salariés à temps partiel (1).
Dans notre société sexiste, où c'est
encore très majoritairement aux femmes qu'incombe la charge du privé (famille,
maison), celles-ci doivent souvent interrompre leur vie professionnelle pour
s'occuper de leurs enfants, et parfois de leurs parents ou beaux-parents
dépendants. Cette gestion inégalitaire du travail oublie par ailleurs que ce
que l'on nomme “famille monoparentale” cache en fait l'existence de plus en
plus massive de femmes assumant la charge principale ou totale de leurs
enfants. L'absence ou l'insuffisance de structures publiques d'accueil de la
petite enfance ou des personnes âgées dépendantes obligent les femmes à assurer
soit une double journée de travail, soit à quitter leur emploi. Le retour à
l'emploi passe alors par l'acceptation de CDD sur CDD, souvent à temps partiel,
et donc un salaire partiel.
Faible syndicalisation des femmes et
rapport à l'emploi
Les femmes travaillent dans des secteurs
dans lesquels il n'y a pas de tradition syndicale très ancrée. Aussi, l'absence de
rapport de force dans ces entreprises fait que des conditions de travail
particulièrement difficiles s'installent (flexibilité, précarité).
Bien que le rapport des femmes au
syndicalisme soit en train de changer, celles-ci sont encore peu nombreuses
dans les syndicats : 7,5 % des femmes qui exercent un emploi sont syndiquées
contre 9 % des hommes (5).
Les travailleuses précaires, étant en
réel danger de chômage, hésitent à se syndiquer.
De plus, un certain nombre de femmes ont un
rapport au travail particulier, considérant que leur travail les rend
indépendantes du point de vue économique, ce qui peut être vrai dans certains
cas.
D'autres, ayant intégré les modes de pensée
du système de domination masculine, considèrent leurs revenus comme un salaire
d'appoint, et ne voient donc pas l'intérêt de se syndiquer.
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(1) Dares Analyses n° 005, janvier 2013,
“Le temps partiel en 2011”, direction de l'animation de la recherche, des
études et des statistiques du ministère du Travail, de l'Emploi, de la
Formation professionnelle et du Dialogue social
(2) Informations Rapides n° 299, 6 décembre
2012, “Nouvelle hausse du chômage au troisième trimestre 2012”, Insee
(3) Dares Premières Informations n° 44.5,
octobre 2008, “Les écarts de salaire entre les hommes et les femmes en 2006 :
des disparités persistantes”, direction de l'animation de la recherche, des
études et des statistiques du ministère du Travail, de l'Emploi, de la
Formation professionnelle et du Dialogue social
(4) “Les retraités et les retraites en
2010”, 12 mars 2012, Collection études et statistiques, Direction de la
recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) des
ministères sociaux
(5) Dares Premières Informations n° 44.2,
octobre 2004, “Mythes et réalités de la syndicalisation em France”, direction
de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du
Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social