04/08/2012

(Avril 2012) OAF n°1 : Gazland en France, ni ici, ni ailleurs !


Un contexte environnemental déjà proche du saccage des ressources
Les parisiens savent-ils que l’eau de « leur » robinet provient de la nappe phréatique de Champigny ? Les franciliens savent-ils que la nappe phréatique de Champigny est régulièrement en niveau bas ? Que les épisodes de « sécheresse » dans l’est de l’Ile De France sont de plus en plus longs et commencent de plus en plus tôt (Février cette année 2012). Que ce manque de pluviométrie empêche le remplissage, et donc le renouvellement de la qualité de l’eau, le filtrage naturel indispensable ? Que par conséquent plus les réserves d’eau du sous- sol diminuent, plus la concentration de la pollution « classique » (acidités, pesticides PCB, etc.) augmentent dans l’eau ?
Alors pourquoi tout à coup ces questions ? Parce que les projets catastrophiques de quelques hommes d’affaires et sociétés, la plupart américaines menacent encore plus gravement l’état actuel de nos ressources en eau, quantitativement et qualitativement. Comment ? En exigeant aux états de l’Europe, principalement la France, de pouvoir exploiter les poches profondes de gaz et huiles de schiste, hydrocarbures enfermés dans la roche souterraine depuis des centaines de milliers d’années.

Des tentatives de faits accomplis et une stratégie de lobbying caché
On se souvient de l’année 2010 et de la surprise d’habitants de certaines communes de France qui voyaient arriver des convois « exceptionnels » d’engins d’installation de puits de prospection « non conventionnels », c’est-à-dire visant la recherche d’hydrocarbures de schiste. Seuls l’Etat et les Préfectures (donc l’Etat) étaient informés. Des ministres ont reçu des représentants des intérêts américains et ont décidé d’attribuer des dizaines de permis d’exploration. Devant le tollé suscité par les nombreuses manifestations en 2010 et 2012 (Ardèche, Larzac ; à Château-Thierry dans l’Aisne et à Doue en Seine et Marne), le gouvernement sous NKM (Nathalie Kosciusko-Morizet) décidait de retravailler la « com. ».
Cherchant à devancer une opposition sur le plan législatif, les parlementaires UMP firent adopter un texte de loi à l’assemblée, qui stipulait que dorénavant, les dites sociétés devraient signer une simple lettre renonçant à la « technique de la fracturation hydraulique » afin de conserver ou obtenir leurs permis d’exploration. Conséquence : ce texte, dont le vrai but était de créer un effet d’annonce afin de désamorcer les protestations des populations, a généré depuis des dizaines d’attribution de permis à ces sociétés. N’ayant pour l’instant pas le droit d’utiliser cette technique, ces sociétés ont pu avancer leurs pions en attendant.
C’est alors qu’en dressant un état des lieux de l’attribution des sous-sols en Seine et Marne par exemple, on s’aperçoit que 90 pour cent du territoire est désormais couvert par des permis d’hydrocarbures, toutes catégories confondues : puits conventionnels exploités, puits conventionnels non exploités, puis non-conventionnels dits « d’exploration » non exploités… Les zones concernées s’étendent du fond du département jusqu’à Marne-La-Vallée : Emerainville, Roissy, etc. et sont couvertes par des permis de prospection. La Seine et Marne est un département plus grand que l’ensemble des autres départements d’Ile de France réunis. C’est un département-ressource (eau, agriculture, etc.) pour toute l’Ile de France.
Le lobbying des sociétés vise à faire croire, aux Etats Unis d’Amérique comme auprès des états Européens, que la nocivité n’existe pas ou est marginale, ceci au travers de campagnes de communication et de rencontres avec les dirigeants politiques. On sait notamment que Bruxelles, bien plus que le lieu du parlement Européen, est d’abord la capitale Européenne des cabinets de lobbying internationaux présents en Europe.

La menace d’un vrai carnage sanitaire et écologique
Alors que l’exploitation des hydrocarbures de schiste permettrait parait-il un gain de 1à 2 pour cent d’ « autonomie énergétique » à la France, elle compromettrait définitivement notre indépendance alimentaire (eau et agriculture impossible sans eau). Ceci menacerait entre autre la vie en Ile de France, région la plus peuplée. En effet, le seul moyen d’atteindre le centre de la roche plusieurs kilomètres sous terre est d’effectuer une double perforation pour chaque puits : verticale puis horizontale. Or des dizaines de tonnes d’eau seraient nécessaires pour accompagner la fracturation de la roche, à l’aide de mélanges de solvants et autres molécules actives toxiques, cancérigènes et mutagènes. Alors que la Seine et Marne est un département régulièrement situé en alerte sécheresse et que les arrêtés de restrictions de consommation d’eau sont de plus en plus fréquents, la population devrait se voir imposer des coupures nettes d’eau et se saigner pour des gouttes de pétrole en mauvais état. L’expérience passée et actuelle américaine dans ce domaine montre des risques de cancer de la population 70 pour cent plus élevés que la moyenne aux abords des puits et des risques de troubles neurologiques 150 pour cent plus élevés que la moyenne.
Les sous-sols américains ayant bougé depuis les débuts des prospections et de l’exploitation, les instabilités ont provoqué des tremblements de terre, des effondrements de terrains, des fuites de gaz, des remontées de métaux lourds et de radioactivité à des taux supérieurs à la moyenne en surface, des incendies sous- terrains non éteints depuis des dizaines d’années. Des villes entières sont devenues des villages-fantômes devenus inhabitables. Les décantations liquides et les émanations gazeuses participent en plus de l’effet toxique irréversible sur le vivant, au réchauffement de la température globale de la planète.

Un véritable mensonge énergétique
Au plan des usages énergétiques, le paradoxe, voir l’inversion de rendement se traduirait par un balai incessant de camions innombrables nécessaires au ravitaillement des puits en eau et produits chimiques. Les importations en eau et en nourriture en provenance des zones de l’Europe épargnées deviendraient une règle indispensable. Et donc au final une perte d’autonomie énergétique causée par ce trafic colossal.
La fausse solution des hydrocarbures de schiste sert surtout à prolonger le marché juteux des énergies fossiles et à repousser la prise de conscience que l’aire des énergies fossiles touche à sa fin. Envisager d’autres ressources énergétiques par anticipation ne permettrait pas aux sociétés dominantes (Total, Elf…) de s’assurer de la prise en main de ce futur secteur de « l’industrie écologique ».
Les sociétés d’exploration profitent d’un contexte de crise énergétique et économique. Elles espèrent le « carburant sans plomb à deux euros le litre » afin de pouvoir vendre en série leurs mallettes d’escroqueries intellectuelles et créer une spéculation sur la prétendue manne énergétique future, quitte à ce que cela s’avère un fiasco, qui leur aura permis entre temps d’engranger des milliards de bénéfices. Or la crise énergétique a été provoquée par la non-anticipation de l’inéluctable reconversion énergétique et de l’indispensable modération de la consommation.

Nouvelle offensive des sociétés et du  gouvernement
La dernière parade que le gouvernement a formulée contre la résistance des communes est un dernier décret du 21 03 2012 envisageant une fiscalité favorable aux communes qui cosigneraient des autorisations aux sociétés d’exploration, sans doute sous forme de taxe sur le modèle de la taxe professionnelle.
Le Ministère de l’Écologie et du Développement Durable avait accordé en mars 2010 plus d'une soixantaine de permis de recherche qui couvrent encore actuellement la quasi-totalité du territoire national, parcs et réserves naturelles compris. Seuls trois permis de recherche ont été abrogés. D’autre part, le gouvernement à travers la création d’une commission envisage l'éventualité de lancer une étude pour évaluer l'utilisation de la fracturation hydraulique à titre expérimental et scientifique... idée manipulatoire qu’a repris à son compte François Hollande, qui déclarait au mois de mars : "qu'il ne faut jamais rien écarter, surtout si des recherches démontrent qu'on peut obtenir ce gaz sans nuire à la nature". Alors que les exemples, tous catastrophiques, sont déjà en œuvre dans le monde… et alors que la Bulgarie vient, elle, d’interdire définitivement le recours à la fracturation hydraulique et d’abroger les permis.

Une contre-offensive qui reste à organiser
C’est sans-doute maintenant que le combat commence, au moment où on essaye de nous relooker et de nous vendre les vertus supposées inoffensives des gaz et pétroles de schiste, après avoir voulu passer en force puis avoir fait mine de reculer.
Les collectifs contre les gaz et huiles de schistes se réuniront afin de relancer la contre-offensive comme en 2010 et 2011. Des manifestations partout en France seront probablement organisées dans les mois qui viennent.
Les collectifs les plus combattifs sont ceux qui se situent dans les régions ayant vécues de grands enjeux de mobilisation sociales écologiques, comme dans le Larzac dans les années 60. La tradition là-bas n’est pas perdue… Se réclamant la plupart du temps « collectifs d’habitants locaux et régionaux », fédérés en collectif national, certains d’entre eux sont malheureusement parfois « managé » de façon un peu centralisée par des responsables de formations politiques et n’ont pas toujours atteint le niveau de réactivité et d’interactivité espéré par tous. Il ne tient qu’à la population de prendre en main son combat !