"Maire de Noisy-le-Grand, je tiens à vous faire part solennellement de ma totale opposition à la constitution rampante d'un nouveau ghetto, similaire à celui que représente le foyer AFTAM, qui regroupe 300 chambres de 7 m² occupées par plus de 800 locataires, dont je demande depuis plusieurs années, comme vous le savez, la démolition-reconstruction sur deux sites distincts de 75 chambres chacun, dans le cadre de l'instruction de l'ANRU."
Michel Pajon, député-maire de Noisy-le-Grand, lettre au préfet de Seine-Saint-Denis, le 28 mai 2008 (paragraphe mis en gras par M. Pajon).
Michel Pajon, député-maire de Noisy-le-Grand, lettre au préfet de Seine-Saint-Denis, le 28 mai 2008 (paragraphe mis en gras par M. Pajon).
Noisy le Grand préfère les centres d'affaires ?
Serait-ce pour que ces derniers financent le logement social ? Non. La commune n'a prévu que 288 logements très sociaux sur les 3600 prévus de 2012 à 2018, soit 8% de logements destinés aux familles très modestes. Ce sont elles qui sont exclues des logements ordinaires, entassées dans des foyers ou logées à l'hôtel toute l'année. 8% de logements très sociaux alors que 31% de la population de Noisy pourrait y prétendre.
Un foyer de travailleurs migrants serait à lui seul un problème pour le député-maire qui, dans cette même lettre au préfet, lui demandait "de faire le nécessaire [...] pour que ne soit jamais constitué ni un foyer accueillant des populations migrantes ni une zone d'attente pour demandeurs d'asile sur le territoire de Noisy-le-Grand."
Un droit à la ville des investisseurs ou des habitants ?
Le foyer du Champy sera effectivement démoli et reconstruit sur deux sites. Auparavant, l'Etat préférait parquer et contrôler dans des foyers communautaires les travailleurs que les entreprises françaises étaient allées chercher en Afrique. Aujourd'hui c'est la politique de dispersion des classes populaires et en particulier des travailleurs migrants. Formidable si cela signifie qu'on leur donne enfin le droit de choisir leur logement et leur quartier et si, au final, aucune personne n'est expulsée et aucun quartier n'est abandonné. Car les quartiers ou les foyers stigmatisés comme ghettos sont des lieux aimés par leurs habitants, des endroits où la vie en communauté est une ressource indispensable. Quand la dispersion des pauvres signifie leur bannissement, leur isolement et l'appropriation des lieux par des intérêts particuliers, elle est inacceptable. C'est pourquoi nous tous, habitants, citoyens, militants, nous devons être attentifs à la façon dont les autorités rénovent notre ville.
Qui paie la rénovation urbaine ?
Le foyer passera de 300 à 225 logements. Les 75 logements manquants seront-ils remplacés ? Qui garantira que tous les locataires actuels seront relogés pendant et après les travaux ?
Deux nouvelles lignes de RER du réseau Grand Paris Express passeront à Noisy-Champs et de nombreux projets de logements, de bureaux et d'activités industrielles y sont prévus par le Contrat de Développement Territorial du Cœur Descartes. Si cela marche, les prix de l'immobilier et les loyers vont grimper en flèche. Quels mécanismes sont prévus pour que les familles modestes ne soient pas obligées de déménager à cause de loyers trop chers ?
La cité du Château de France et l'immeuble proche rassemblent 78 logements gérés par Emmaüs. Y vivent 43 familles installées depuis des décennies et 35 familles très modestes qui ont un bail temporaire et sont accompagnées par ATD Quart-Monde. ATD accompagne des familles avant qu'elles ne s'installent dans un autre logement, ordinaire et stable. Ici comme ailleurs, l'association mêle ces familles à la population pour que des liens de voisinage se forment. Le but est de favoriser des solidarités qui bénéficieront aux familles en galère mais aussi à leurs voisins.
La cité et l'immeuble d'Emmaüs, globalement en très mauvais état selon ATD, vont être démolis et remplacés par un immeuble de 48 logements pour Emmaüs, un immeuble de 30 logements pour ATD, et deux autres immeubles pour un promoteur privé et un promoteur public. Les promoteurs agissent afin de densifier le quartier et de financer ce que la puissance publique n'a pas voulu prendre en charge. Les démolitions ne commenceront qu'une fois que toutes les familles auront été relogées. Plusieurs problèmes :
> Les familles suivies par ATD seront dans le même immeuble, mises à l'écart donc, à l'encontre de la stratégie d'intégration d'ATD. Pour compenser, 5 logements seront occupés par des bénévoles de l'association.
> ATD disposait de 35 logements. Elle en perd 10 en enlevant les logements pris par les bénévoles.
Les pavillons de la cité sont murés au fur et à mesure. Drôle d'ambiance pour les dernières familles qui y vivent.
> ATD peine de plus en plus à trouver des logements ordinaires pour ses familles très modestes. Emmaüs aussi.
> Emmaüs veut renouveler ses 43 familles locataires. Pourquoi imposer tous ces déménagements à des familles de longue date attachées au quartier ?
> Après une enquête faite auprès de chacun de ces ménages et deux réunions publiques, leurs préférences sont censées être identifiées. Pourtant, malgré leur attachement au quartier, les financeurs (Etat, Commune, Emmaüs) prévoient leur relogement à moitié sur la commune et à moitié ailleurs. En fait aucune proposition de relogement n'a été faite dans la commune. Certes la dizaine de familles relogées seraient contentes de leur déménagement. Mais on comprend l'angoisse des autres familles. Le bailleur est censé leur faire des propositions de relogement adaptées mais le loyer montera certainement.
Revendiquons le droit au logement et le droit à la ville !
Le vrai problème est celui d'une pénurie régionale du logement. Les pouvoirs publics renoncent à redistribuer les richesses et à réquisitionner les terrains et les bâtiments. Le logement social ne sert plus qu'à éviter l'expulsion des classes moyennes hors des centres. Dans ce cadre, nous reprenons les revendications d'ATD, en plus de l'exigence de maintien de ses capacités d'accueil : un logement digne pour tout le monde et un quartier agréable pour vivre ensemble. Le droit au logement et le droit à la ville s'obtiendront par une lutte solidaire sur les projets urbains du quartier mais aussi et surtout sur les politiques de logement, des décisions de la mairie de Noisy jusqu'aux lois nationales.